Deux sur trois : dans le Cher, deux des trois députés ont voté oui à la loi sur le renseignement. Le socialiste Yann Galut et l’umpéiste Yves Fromion, ont voté comme un seul homme pour le oui. Communion de façade mais communion tout de même car les deux hommes politiques partagent, peu ou prou, la même analyse sur le fond du texte.
Seule voix de fronde, celle de Nicolas Sansu. Le député Front de gauche fait partie des 86 députés, avec d’autres de son groupe parlementaire, à avoir choisi le non et à être fier de l’avoir fait comme il l’annonçait sur son compte Twitter.
« Pour moi, cette loi en l’état est une atteinte aux libertés individuelles », explique-t-il. « Je ne nie pas qu’il faut des outils pour lutter contre le terrorisme, mais la loi va bien au-delà, sans répondre aux enjeux de la lutte contre le terrorisme. On en profite pour mettre en place la surveillance des responsables syndicaux, des responsables politiques… Un jour, les sources des journalistes ne seront plus protégées. Cette surveillance généralisée passe par des algorithmes. Il suffit donc d’un certain nombre de mots-clefs pour qu’on soit mis sous surveillance, automatiquement. »
« Ciblage de masse »
Vue ainsi, l’orientation de cette loi peut effectivement faire peur dans les chaumières. « Or le renseignement doit se faire par rapport à des réalités de terrain. Quand j’entends Laurence Parisot, ancienne patronne du Medef, dire que nous sommes en train de construire une NSA à la française, je crois qu’elle a raison. Et pourtant, elle n’est pas proche de mes idées. »
Si le député Front de gauche se met à dire que l’ancienne patronne du Medef a raison, l’heure doit être grave, en effet. « Je comprends que les associations parlent de 1984 de George Orwell, on est en plein dedans. De plus, je ne comprends pas qu’on puisse donner à un homme ou une femme, en l’occurrence le Premier ministre, le droit de lancer un certain nombre de procédures. C’est anti démocratique et dangereux. »
Yann Galut (PS) ne cherche pas à comprendre les motivations de ce vote contre. Quant à savoir si le PC fait encore partie de la majorité gouvernementale… Yann Galut réfute pourtant « le ciblage de masse » et de « surveillance généralisée comme aux USA. Il n’y aura pas d’écoutes massives, les gens écoutés seront ciblés.» Le député socialiste a dit oui à cette loi « dans la mesure où elle installe une législation là où il n’y en avait pas ».
Texte d’arrivée
Si la loi sur le renseignement a fait un score important à l’Assemblée nationale (483 voix pour), le débat agite pourtant la société civile. Pour l’élu socialiste, « les critiques sont fausses car elles se basent sur le texte de départ. Or, ce texte n’a rien à voir avec celui qui a été voté et transformé par 280 amendements. Ma principale réticence se situait dans la possibilité de vérifier si cette loi était conforme à la Constitution, et le Conseil constitutionnel a été saisi pour le dire. On peut très bien, comme le fait cette loi, concilier sécurité et liberté individuelle afin d’être réactif face au terrorisme.»
« Ce que j’entends est assez loin
de la réalité »
Yves Fromion (UMP) ne dit pas mieux que le PS. Sauf ceci, et ce n’est pas rien… : « Si la droite avait proposé cette loi, que n’aurions-nous pas entendu, "loi liberticide", etc. Finalement, nous sommes contents que ce soit la gauche qui l’ait proposée et votée?! »
Le débat sur la violation des libertés empêche-t-il de dormir le député de droite?? Non. « Ce que j’entends est assez loin de la réalité. D’ailleurs, les députés qui voient ce dossier de l’intérieur ne s’y sont pas trompés en votant massivement pour. » D’autant, estime Yves Fromion, « que nous raisonnons en coopération internationale, le renseignement n’est plus une affaire nationale. Et cette loi permet aussi de certifier les renseignements que nous donnons. »
Comme Yann Galut, Yves Fromion estime que cette loi impose un cadre légal, « nécessaire à délivrer les autorisations, dans un moment complexe pour notre pays. »
Rémy Beurion, avec Marie-Claire Raymond