Après quinze années d’études terrain, un économiste britannique dresse un constat alarmant de l’esclavagisme dans le monde.
"On est quand même plus développés qu’il y a 500 ans" est un poncif si profondément ancré dans notre inconscient que l’on en deviendrait presque incapable de le remettre en question. Et pourtant, certaines situations se sont considérablement aggravées. L’esclavage, par exemple.
D’après une étude de l’économiste spécialisé Siddharth Kara, relayée par The Guardian, il y a aujourd’hui deux fois plus d’esclaves que durant les 350 années du trafic d’esclaves, qui s’est déroulé du XVIe au XIXe siècle. Sur toute cette période, on a comptabilisé 13 millions d’esclaves ; aujourd’hui, ils sont près de 21 millions.
Pour établir les conclusions dramatiques de son livre à paraître Modern Slavery ("l’esclavage moderne"), Siddharth Kara a enquêté pendant quinze ans dans 51 pays et interviewé pas moins de 5 000 personnes victimes de l’esclavage. Selon l’économiste, le trafic d’êtres humains est devenu le troisième marché le plus juteux du marché noir, derrière la vente d’armes et le trafic de drogues. Car la vie d’un homme ou d’une femme rapporte gros à celui qui l’exploite.
Sous nos yeux
"Il s’avère que l’esclavage moderne est nettement plus rentable que je ne l’avais imaginé […]. Chaque année, on estime que ce trafic rapporte 150 milliards de dollars aux exploitants", s’alarme Siddharth Kara auprès du média britannique. "Pour chaque esclave, les profits annuels peuvent varier de quelques milliers de dollars à plusieurs centaines de milliers d’euros par an".
C’est l’esclavagisme sexuel qui culmine au sommet de ce triste classement. Ses victimes représentent 5 % du nombre total d’esclaves, mais sont de loin celles qui génèrent le plus d’argent : en moyenne 36 000 dollars (30 500 dollars) par an et par victime. C’est peut-être le visage le plus médiatisé de l’esclavage moderne, mais d’après un rapport de l’ONU sur le trafic des êtres humains, les domaines où des millions d’hommes, femmes et enfants sont exploités sont dramatiquement nombreux : enfants soldats, mendicité ou mariage forcés, trafic d’organes, ventes d’enfants, travaux en tout genre…
"L’esclavagisme se déroule juste sous nos yeux", enfonce le média britannique, "c’est particulièrement courant dans les industries du bâtiment, de l’agriculture, de la pêche ou des travaux domestiques". Bref, des secteurs où les contacts avec l’extérieur sont limités et où l’exploitation de l’humain par l’humain peut suivre son triste cours.